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Après la cyberattaque, l’hôpital Stell à Rueil-Malmaison s’organise et résiste

Depuis le 31 mars, le Centre hospitalier Stell à Rueil-Malmaison est paralysé par une cyberattaque massive. L’informatique est hors service, contraignant les équipes à revenir au papier et au stylo.

L’onde de choc numérique qui frappe régulièrement les établissements de santé français a trouvé une nouvelle cible : le Centre hospitalier Stell de Rueil-Malmaison, dans les Hauts-de-Seine (92). Le 31 mars, un rançongiciel – logiciel pirate destiné à extorquer de l’argent – a infecté l’ensemble des systèmes informatiques de l’hôpital, forçant l’établissement à fonctionner sans aucune assistance numérique. Les conséquences sont immédiates et brutales comme a pu le constater ZATAZ : suppression de l’accès aux logiciels médicaux, blocage des badges, menace de diffusion de données sensibles. L’équipe informatique a réagi dans l’urgence, isolant les réseaux pour contenir l’attaque, mais le mal était fait. Alors que les autorités sanitaires et les équipes techniques se mobilisent pour remettre en état les services, une question brûlante se pose : comment maintenir une qualité de soin acceptable sans outils numériques, à l’heure de la médecine connectée ?

La scène est digne d’un retour en arrière technologique de plusieurs décennies. Dans les couloirs du Centre hospitalier Stell, les claviers sont silencieux, les écrans noirs, et les soignants écrivent à la main. L’établissement a été frappé de plein fouet par une cyberattaque au rançongiciel, terme désormais tristement familier. L’ensemble des installations numériques a été touché, paralysant tous les services informatisés. Il ne s’agit pas d’un simple incident isolé, mais d’une attaque structurée, vraisemblablement d’origine criminelle, avec des motivations financières claires. Le ou les pirates menacent de divulguer les données sensibles collectées lors de l’intrusion si aucune rançon n’est versée.

Une note interne a informé le personnel ce 03 avril. – Capture : zataz.com

Mais la consigne est claire. Comme l’indique une note interne consultée par ZATAZ, les hôpitaux français ont reçu pour instruction stricte de ne jamais payer les cybercriminels.

Service de Veille ZATAZ – 96% de satisfaction

Dans l’urgence, mais via une efficacité à saluer, l’équipe informatique du CH Stell a réussi à découpler le réseau principal, évitant ainsi une propagation incontrôlée. Une réorganisation rapide des activités a été engagée, mobilisant à la fois les ressources internes et externes. Pas moins de 80 ordinateurs et imprimantes ont été déployés pour reconstituer un semblant de fonctionnement, en mode dégradé. D’autres équipements sont en cours de livraison, financés par la dotation « cyberattaque » de l’Agence régionale de santé (ARS), un fonds d’urgence destiné à répondre à ce type de situation.

Les logiciels internes étant indisponibles, une mesure inédite a dû être prise : la paie du mois d’avril sera identique à celle de mars, les calculs ne pouvant être actualisés. Quant aux badgeuses électroniques, elles sont elles aussi hors service. Les cadres de santé et les responsables de service doivent désormais procéder à la main pour comptabiliser les heures effectuées, comme à l’époque pré informatique.

Le retour à l’analogique bouleverse profondément l’organisation quotidienne. Les protocoles de sécurité ont été renforcés dans l’urgence. Une note interne rappelle ainsi l’interdiction formelle d’utiliser des clés USB non fournies par le service informatique, afin d’éviter toute nouvelle intrusion. Les seuls sites autorisés à être consultés sont ceux strictement nécessaires à l’activité médicale. Le matériel est placé sous haute surveillance, et les documents médicaux imprimés doivent être soigneusement protégés pour éviter toute violation de confidentialité.

« L’ensemble des systèmes informatiques sont à l’arrêt. Les équipes fonctionnent en mode papier, les soins continuent malgré tout. »

Le personnel est également appelé à une vigilance extrême. La direction recommande de modifier sans délai les mots de passe utilisés à la fois dans un cadre professionnel et personnel. Elle conseille même, pour les agents dont le RIB pourrait avoir été compromis, de prendre contact avec leur banque pour surveiller d’éventuels mouvements suspects.

Les protocoles de sécurité ont été activés pour protéger patients et personnels. – Capture : zataz.com

Dans les services, les témoignages des soignants parlent d’une tension palpable. La charge mentale s’est alourdie brutalement. La moindre tâche prend plus de temps, tout doit être vérifié, doublé, revalidé. Les soins ne s’arrêtent pas, bien sûr, mais leur cadence s’en trouve inévitablement ralentie. Le personnel, déjà sous pression chronique depuis les vagues de COVID-19, fait face avec courage, mais non sans fatigue.

Ce n’est pas la première fois qu’un hôpital français est la cible d’un ransomware. En 2021, le Centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône, puis celui de Dax, avaient déjà subi des attaques paralysantes. Le CHU de Rennes ou encore celui de Versailles, Armentières et Corbeilles Essonnes ont eux aussi été frappés ces deux dernières années. Selon l’ANSSI, l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, les établissements de santé sont devenus des cibles privilégiées : systèmes parfois obsolètes, moyens limités, données ultra sensibles… un cocktail idéal pour les cybercriminels en quête de gains faciles.

Pour autant, face à la montée des menaces, la réponse institutionnelle reste souvent réactive plutôt que préventive. Le fonds « cyberattaque » mis en place par l’ARS est salutaire, mais les retards d’investissement en cybersécurité sont criants. Les équipes informatiques hospitalières peinent à recruter, les logiciels métiers ne sont pas toujours à jour, et les formations à la cybersécurité sont encore trop rares.

En attendant, à Rueil-Malmaison, le retour à la normale prendra du temps. Plusieurs semaines, voire des mois, seront nécessaires pour restaurer les systèmes, s’assurer de leur sécurité, et tenter d’effacer les traces de l’attaque. Une enquête est en cours, mais les chances de retrouver les auteurs restent minces. Les pirates opèrent souvent depuis l’étranger, dissimulés derrière des serveurs anonymes et des adresses IP masquées. La Police Nationale est sur l’affaire.

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Au sujet de l'auteur
Damien Bancal (damienbancal.fr) est un expert internationalement reconnu en cybersécurité. Il a fondé le projet Zataz en 1989. Il s'est imposé comme une figure majeure dans ce domaine, contribuant à la sensibilisation et à la protection des internautes contre les cyberattaques. ZATAZ.COM est devenu une référence incontournable en matière d'information sur la sécurité informatique et les cybermenaces pour le grand public. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages (17) et articles (plusieurs centaines : 01net, Le Monde, France Info, Etc.) qui explorent les divers aspects du piratage informatique et de la protection des données. Il a remporté le prix spécial du livre du FIC/InCyber 2022. Finaliste 2023 du 1er CTF Social Engineering Nord Américain. Vainqueur du CTF Social Engineering 2024 du HackFest 2024 (Canada). Damien Bancal a également été largement reconnu par la presse internationale dont le New York Times, qui souligne non seulement son expertise mais aussi son parcours inspirant. Enfin, il figure parmi les personnalités les plus influentes dans la cybersécurité, comme le souligne Le Big Data, et a été classé parmi les 500 personnalités tech les plus influentes en 2023 selon Tyto PR. 9ème influenceur Cyber d'Europe. Chroniqueur TV et Radio (France Info, M6, RTL, Medi1, Etc.) Réserviste de la Gendarmerie Nationale (Unité Nationale Cyber - réserve volontaire citoyenne) et de l'Éducation Nationale Hauts-de-France. Médaillé de la Défense Nationale (Marine Nationale) et de la médaille des réservistes volontaires de défense et de sécurité intérieure. (Gendarmerie Nationale). Entrepreneur, il a lancé en 2022 la société veillezataz.com.

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