Cybercriminalité : la justice française face aux pirates du numérique

Fait rare, Guillaume Daieff, Président de la 13ᵉ chambre du Tribunal correctionnel de Paris, spécialisée en cybercriminalité, s’est exprimé dans l’émission « Les Temps électriques » sur Amicus Radio. Il y décrit les profils croisés dans sa salle d’audience et les défis que posent les cybercriminels à la justice.

Dans le paysage numérique actuel, les pirates informatiques, ou hackers malveillants / bad hackers, représentent une menace grandissante. Qu’ils soient animés par des motifs financiers, idéologiques ou simplement par défi, leur impact peut être dévastateur. Lors de cette rare interview, le juge Daieff a offert un éclairage précieux sur ces acteurs du numérique et sur les mécanismes mis en œuvre par la justice pour y répondre.

Les hackers : entre ombre et lumière

Le terme « hacker » est souvent utilisé à tort ou à raison pour désigner des individus aux compétences informatiques avancées, capables de manipuler, infiltrer ou détourner des systèmes informatiques. J’avoue que je préfère parler de « Pirate informatique » ou alors s’il fallait garder l’anglissime autant y aller franco : bad hacker ou hacker malveillant. Mais qu’est-ce qu’un hacker dans les faits ? Quels sont leurs motivations et leurs objectifs ?

Hacker : définition et nuances

Un hacker n’est pas nécessairement un criminel. On distingue généralement trois catégories principales de hackers :

Les hackers éthiques : Ils utilisent leurs compétences pour identifier et corriger les failles de sécurité des systèmes informatiques. Ces professionnels sont souvent employés par des entreprises ou des gouvernements pour prévenir des cyberattaques.
Les hackers malveillants (ou black hat / bad hacker) : Motivés par des intérêts criminels, ils exploitent les vulnérabilités pour voler des données, extorquer de l’argent ou mener des campagnes de sabotage.
Les hackers intermédiaires (ou grey hats) : Leurs actions naviguent entre l’éthique et l’illégalité, souvent en fonction de leurs objectifs.

L’affaire F.C. : un exemple emblématique

L’un des cas récents les plus médiatisés à la 13ᵉ chambre est celui de F.C., un informaticien français qui se proclamait « le plus recherché par la CIA« . Ancien pirate informatique dans sa jeunesse, devenu chef d’une entreprise de cybersécurité, il a été condamné en 2025 par la justice de complicité d’extorsion. Il était soupçonné « d’avoir profité d’un vol de données liées à l’instruction de l’attentat contre Charlie Hebdo pour extorquer de l’argent à un cabinet d’avocats.« . Le cabinet avait été rançonné par les pirates informatiques du groupe Everest. Ils avaient volé des données liées à l’instruction de l’attentat contre Charlie Hebdo. Le français viendra s’immiscer entre les pirates et les rançonnés ! Un procès qui a illustré la complexité des profils rencontrés en cybercriminalité.

Motivations et modus operandi des hackers

Les motivations des hackers sont variées, comme ZATAZ le démontre depuis plus de 25 ans. Certains agissent par idéologie, cherchant à défendre une cause ou à dénoncer des injustices. D’autres, plus pragmatiques, visent un profit financier rapide, souvent à travers des rançongiciels ou des vols de données. Les plus jeunes, parfois mineurs, se lancent dans ces activités par curiosité ou par goût du défi.

Dans l’émission Les temps électriques de Sophie Sontag Koenig (Maître de conférences en droit privé et sciences criminelles) sur Amicus Radio, où le droit est démocratisé et rendu accessible à travers des podcasts animés par des magistrats, professeurs, journalistes et avocats, Guillaume Daieff, président de la 13ᵉ chambre du Tribunal correctionnel de Paris, spécialisée dans les dossiers de cybercriminalité, a rappelé des éléments essentiels.

J’avoue que son message, puissant et percutant, aurait été précieux pour sensibiliser les jeunes pirates récemment arrêtés, avant qu’ils ne commettent l’irréparable.

Cybercriminalité et système judiciaire : un combat quotidien

Face à la sophistication croissante des attaques, la justice française, et plus particulièrement la 13ᵉ chambre correctionnelle de Paris, joue un rôle central dans la lutte contre les cybercriminels. Mais comment fonctionne cette lutte ? Quelles sont les mesures mises en place pour contrer ces infractions ?

Cette chambre spécialisée traite des dossiers souvent complexes, impliquant des réseaux internationaux et des technologies avancées. Lors de son interview, le juge Daieff a souligné l’importance des enquêtes numériques approfondies, nécessitant des experts formés aux techniques d’investigation informatique. Il a également insisté sur le fait qu’aider, par exemple, les autorités à localiser des brouteurs (un exemple parmi d’autres) ne justifie en aucun cas le recours à des pratiques illégales. Enfreindre la loi pour atteindre cet objectif reste strictement interdit.

« Si vous représentez des gens qui font de l’extorsion, vous êtes complices d’extorsions. » – Guillaume Daieff

Un des plus grands défis pour la justice est d’identifier et de poursuivre les auteurs de ces infractions, souvent anonymes et dissimulés derrière des pseudonymes. Les outils comme le dark web, les cryptomonnaies et les réseaux privés virtuels (VPN) compliquent encore davantage les enquêtes. Par ailleurs, le concept de « hacker éthique » pose des questions juridiques complexes : où s’arrête l’éthique et où commence l’illégalité ?

Si la répression est essentielle, la prévention et l’éducation jouent également un rôle crucial dans la lutte contre la cybercriminalité. Sensibiliser les citoyens et former les professionnels du numérique sont des étapes indispensables pour limiter les attaques.

P.S.: Merci à Gabriel Thierry d’avoir présenté ce podcast sur son Linkedin.

Au sujet de l'auteur
Damien Bancal (damienbancal.fr) est un expert internationalement reconnu en cybersécurité. Il a fondé le projet Zataz en 1989. ZATAZ.com est devenu une référence incontournable en matière d'information sur la sécurité informatique et les cybermenaces pour le grand public. Avec plus de 30 ans d'expérience, Damien Bancal s'est imposé comme une figure majeure dans ce domaine, contribuant à la sensibilisation et à la protection des internautes contre les cyberattaques. Sa carrière est marquée par une forte implication dans l'éducation à la cybersécurité, notamment à travers des conférences et des publications spécialisées. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages (17) et articles (plusieurs centaines : 01net, Le Monde, France Info, Etc.) qui explorent les divers aspects du piratage informatique et de la protection des données. Il a remporté le prix spécial du livre du FIC/InCyber 2022. Finaliste 2023 du 1er CTF Social Engineering Nord Américain. Vainqueur du CTF Social Engineering 2024 du HackFest 2024 (Canada). Damien Bancal a également été largement reconnu par la presse internationale dont le New York Times, qui souligne non seulement son expertise mais aussi son parcours inspirant. Par exemple, un portrait de La Voix du Nord le décrit comme "Monsieur Cybersécurité", soulignant son influence et son rôle essentiel dans ce domaine. Enfin, il figure parmi les personnalités les plus influentes dans la cybersécurité, comme le souligne Le Big Data, et a été classé parmi les 500 personnalités tech les plus influentes en 2023 selon Tyto PR. Chroniqueur TV et Radio (France Info, M6, RTL, Medi1, Etc.) Volontaires de la réserve citoyenne - Gendarmerie Nationale et de l'Éducation Nationale. Médaillé de la DefNat (Marine Nationale) et de la MSV (Gendarmerie Nationale). Entrepreneur, il a lancé en 2022 la société veillezataz.com.

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