Imprimante 3D : démantèlement d’un réseau de trafic d’armes
Le démantèlement d’un important réseau de trafic d’armes imprimées en 3D en France et en Belgique constitue un événement sans précédent qui a soulevé de vives inquiétudes au sein des autorités judiciaires et de sécurité.
Imprimer des armes en 3D, voilà bien un « business » qu’il n’est malheureusement pas rare de croiser dans le darknet. Des malveillants proposent des plans numériques à utiliser dans une imprimante 3D ou encore des pièces détachées qui, une fois regroupées, peuvent permettre la mise en action d’une arme fonctionnelle. En 2015, ZATAZ vous montrait aussi que des industriels de l’armement s’intéressaient déjà à l’impression 3D.
La Gendarmerie Nationale a opéré une vaste opération pour mettre fin à un trafic d’armes imprimées en 3D. Le procureur à Marseille, Nicolas Bessone, a baptisé cette mouvance d' »ubérisation du trafic d’armes« . facilitée par l’innovation technologique.
L’enquête, menée par la division cyber de la gendarmerie nationale, a duré un an et a impliqué des méthodes sophistiquées, notamment l’infiltration d’enquêteurs dans des groupes Telegram utilisés par les trafiquants pour communiquer et échanger des informations. Cette opération d’envergure a mobilisé trois cents gendarmes, aboutissant à l’arrestation de quatorze personnes et à la saisie d’une quantité significative de matériel lié au trafic d’armes, incluant huit imprimantes 3D, sept armes fabriquées via des imprimantes.
Ghost arms
Au cœur de ce réseau se trouve un homme de 26 ans, déjà dans le collimateur de la justice pour stupéfiants, originaire du Var, et aujourd’hui résident en Belgique. Un homme influencé par le mouvement pro-armes américain. Il considère que la population doit être armée pour se protéger des Etats. Un mandat d’arrêt international a été émis à son encontre pour son extradition vers la France.
Comme l’explique le journal Le Monde, six individus ont été placés en détention provisoire et cinq autres sous contrôle judiciaire, l’un d’entre eux étant même assigné à résidence avec un bracelet électronique.
La fabrication et la vente d’armes sont des actes illégaux, passibles de peines allant jusqu’à six ans de prison. A noter que certains plans peuvent être défectueux ou proposaient pour que l’arme explose dans les mains de l’utilisateurs. Ci-dessus, une vidéo d’un « fabriquant » fier de monter son pistolet mitrailleur.
Fabriquer une arme, ou des pièces d’armes, peut attirer les collectionneurs. Mais cela attire aussi les criminels qui y voient du matériel intraçable et à moindre coût. ZATAZ vous montrait, en 2016, des blackmarket commercialisant des plans pour fabriquer de petits canons !
Transition des méthodes de trafic
Il y a une décennie, les trafiquants d’armes devaient naviguer dans le monde souterrain pour acquérir et faire passer en contrebande des armes, une procédure risquée mais relativement traçable par les autorités. Cette approche traditionnelle permettait aux forces de l’ordre de suivre les transactions et d’identifier les réseaux criminels impliqués dans la distribution illicite d’armes à feu.
L’avènement de l’impression 3D a bouleversé le paysage du trafic d’armes. Par exemple, en Ukraine, les soldats fabriquent grenades et projectiles explosifs en 3D. De leur côté, les criminels peuvent maintenant utiliser des imprimantes 3D pour créer des armes à feu de toutes pièces, éliminant le besoin de sources extérieures douteuses et rendant la tâche des forces de l’ordre beaucoup plus complexe. Cette capacité d’autoproduction représente un défi majeur pour l’application des lois, car elle masque les traces habituelles du trafic d’armes.
L’absence d' »empreintes digitales » sur les armes imprimées en 3D est un problème. Les armes produites en série sont soumises à des réglementations gouvernementales et reçoivent un numéro de série, ce qui rend leur traçabilité possible et relativement simple. Lorsqu’une arme est imprimée en 3D, elle devient une arme fantôme, complètement hors du radar de tout système de régulation.
Un exemple frappant à Calgary
Juin 2023, à Calgary, la police démantelait un réseau criminel impliqué dans la production illicite d’armes à feu via l’impression 3D. Les perquisitions avaient révélé non seulement des armes imprimées en 3D mais également des munitions, des fusils conventionnels, et des drogues, soulignant la convergence des activités criminelles. Dans le cadre de plusieurs actions, en 2023, 64 propriétés ont été fouillées à travers le pays.
Cela a abouti à 45 arrestations et à la saisie de 52 imprimantes 3D en état de marche associées à la production de 71 pistolets, deux armes d’épaule, 176 cadres, 63 suppresseurs et 32 chargeurs.