La Campagne DoppelGänger : la menace de désinformation continue
Depuis mai 2022, une campagne d’influence insidieuse et sophistiquée, connue sous le nom de DoppelGänger, cible les opinions publiques internationales pour miner le soutien à l’Ukraine à la suite de l’agression russe. Attribuée à deux entités russes, Structura National Technologies (Structura) et Social Design Agency (SDA), cette campagne de désinformation vise à entretenir les divisions au sein des pays qui soutiennent l’Ukraine.
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L’objectif principal de DoppelGänger est de diminuer le soutien à l’Ukraine en semant la discorde parmi ses alliés. La campagne cible des audiences en France, en Allemagne, aux États-Unis et en Ukraine, mais également au Royaume-Uni, en Lituanie, en Suisse, en Slovaquie, en Israël et en Italie. Ces efforts sont soutenus par un réseau complexe de sites web et de comptes de réseaux sociaux inauthentiques. Au mois d’août 2023, Facebook annonçait avoir stoppé une diffusion de fausses informations dans ses pages communautaires.
La guerre informationnelle entre la Russie et l’Ukraine a évolué pour cibler les soutiens étrangers de l’Ukraine, notamment les pays européens comme la France. Cette stratégie inclut des opérations sophistiquées comme « Doppelgänger », qui consistent à créer de faux articles sur des sites clonés de médias authentiques. Plus de 50 journaux ont été clonés de cette manière à travers l’Europe.
Un exemple notable datant de 2023 est un faux article prétendant que la France méprisait les Russes tués dans le conflit, visant ceux qui ne considéraient pas la Russie comme entièrement responsable de la guerre en Ukraine. Une autre opération « Doppelgänger » a eu un impact significatif l’année dernière, avec des étoiles de David taguées sur des murs à Paris et en banlieue, accompagnées d’une exploitation en ligne pour diffuser des photographies des graffitis. La plus récente visait à « promouvoir » les heurts en Nouvelle-Calédonie.
La désinformation vise aussi parfois à influencer le public russe. Une fausse information mentionnait par exemple la mort d’une soixantaine de « mercenaires français » en Ukraine, ce qui a conduit Moscou à convoquer l’ambassadeur de France pour des explications. Cette fake news, peu diffusée en France, était destinée principalement au public russe pour expliquer les difficultés de l’armée russe en Ukraine, en arguant qu’ils ne combattaient pas à armes égales en raison de la présence de combattants étrangers.
Opération Argon
Dans un espace non protégé par des instigateurs de fake news, ZATAZ a pu constater qu’une société du nom d’Argon ressortait plusieurs fois. Une entreprise basée en Russie, comprenant plusieurs structures comme « Argon Labs » et « Argon Digital ». La première est spécialisée dans le codage, la suivante dans le marketing digital. Ces entités sont secondées par ProtoDSP et BitsDepartement (spécialistes russes du marketing digital) ainsi qu’un professionnel du BTP bulgare et un projet de résidences de standing nommé « Chantrer résidence » dans la commune côtière bulgare de Burgas, un projet immobilier géré par Argon Labs. Ces espaces sont-ils infiltrés pour être exploités par les diffuseurs de désinformations ? C’est possible !
Dans l’espace de contrôle, mis à jour par Sekoïa, de nombreux « blogs » russes (eventality[.]ru, newsbd[.]ru, lastminutenews[.]ru, nnewws[.]ru, myfreshnews[.]ru, newsroad[.]online, todaybrings[.]ru) semblent avoir pour mission de noyer le web russophone d’articles pro-Poutine. VIGINUM, le Service de vigilance et protection contre les ingérences numériques étrangères, avait alerté sur ces sites, qui agissent depuis juin 2022, en février 2024.
Utilisation de sites web et réseaux sociaux
La campagne DoppelGänger utilise deux catégories de sites web pour propager ses messages. D’abord, les médias et organisations légitimes victimes de typosquatting : des sites web dont les noms de domaine ressemblent étroitement à ceux de sites de médias respectables. Par exemple, un cas de typosquatting : lmonde.com en lieu et place de l’adresse légitime Lemonde.fr. Ensuite, les sites d’information « indépendants », des plateformes créées spécifiquement pour diffuser des articles de désinformation comme ceux affichés ci-dessus. Les articles sont ensuite amplifiés via des comptes de réseaux sociaux sur plusieurs plateformes. Comme je vous l’expliquais plus haut, Facebook a stoppé une diffusion de fausses informations dans ses pages communautaires au mois d’août 2023.
Le processus de diffusion de la désinformation auprès des audiences ciblées se déroule en trois phases distinctes : d’abord la diffusion de données sur les réseaux sociaux, dont des images. Ces illustrations sont conçues pour attirer l’attention des utilisateurs. Ensuite, le téléchargement et l’exécution, dans certains cas, d’un script qui redirige l’utilisateur vers le site web de désinformation. Enfin, le suivi de l’efficacité de la campagne.
La société Sekoia a observé une corrélation significative entre le nombre d’articles publiés par pays et les événements politiques majeurs. Cela inclut les décisions concernant l’aide militaire à l’Ukraine, les sanctions contre des acteurs russes, ainsi que les manifestations locales et les débats budgétaires internes. Cette stratégie permet aux instigateurs de la campagne de maximiser l’impact de leur désinformation en ciblant des moments de vulnérabilité ou de débat public intense. Le nouveau cluster repéré par Sekoia semble montrer que la campagne DoppelGänger vise aussi une audience russophone.