Le Monde après nous : Les 3 étapes de la déstabilisation d’un État
Décryptage de la guerre psychologique : le film ‘Le Monde après nous’ explore comment les nouvelles technologies deviennent des armes redoutables dans la déstabilisation des États. ZATAZ vous propose de découvrir trois étapes clés pour affaiblir un gouvernement et provoquer un changement de régime.
L’Art de la Guerre : Guerre Psychologique
Ancrer les messages dans les esprits les plus fragiles ou extrêmes. Ils se chargeront de les diffuser [Fake News politique, Etc.] volontairement ou non. Durant la guerre du Vietnam, des flyers diffusés par les avions américains à destination de la population contenaient des messages de propagande visant à présenter les avantages de coopérer avec les forces américaines et sud-vietnamiennes, ainsi que les inconvénients de soutenir le FNL. Quelques années plus tard, à un jet d’avion, la Corée du Nord diffuse de la musique « patriotique » via les haut-parleurs à la frontière avec la Corée du Sud. Bref, la guerre psychologique n’est pas nouvelle. Pour preuve, souvenez-vous de L’Iliade et l’Odyssée d’Homère. La ruse du cheval de Troie pendant la guerre de Troie, un récit légendaire de la mythologie grecque qui aurait eu lieu vers le XIIe siècle av. J.-C.
Selon la légende, les Grecs assiégeaient la ville de Troie depuis 10 ans, sans succès. Pour mettre fin à la guerre, ils ont élaboré une stratégie de guerre psychologique pour tromper les Troyens et pénétrer dans la ville fortifiée. Construire un cheval de bois comme présent, annoncer la fin de la guerre. Les Grecs ont ensuite prétendu se retirer, laissant le cheval en offrande aux dieux, avec l’intention apparente de mettre fin au siège de la ville Troyenne. Les dirigeants et les habitants, pensant que les Grecs avaient abandonné la lutte, ont fait rentrer le cheval dans leur ville comme un trophée de guerre. Mais des soldats Grecs [de la garde d’Ulysse] y étaient cachés et ouvriront les portes, en pleine nuit. Troie venait de tomber ! Les Grecs ont utilisé la tromperie, la manipulation et la ruse pour influencer les croyances et les actions des Troyens.
Le film « Le Pacte des Loups » est un exemple très intéressant de manipulation des populations fin du XVIIIème siècle : peur de l’inconnue, religion, monstre [loup], disparitions et crimes abominables. Plus tôt, nous sommes alors en 1429, débarque le fantôme d’Orléans. La guerre de cent ans fait râge. Lors du siège d’Orléans, Jeanne d’Arc, une jeune paysanne française, se retrouvait à la tête des troupes françaises qui résistaient à l’armée anglaise. Les Anglais ont tenté d’utiliser une guerre psychologique pour démoraliser les défenseurs d’Orléans. Les Anglais ont propagé la rumeur selon laquelle ils possédaient une arme mystique appelée le « fantôme d’Orléans« . Ils ont prétendu que ce fantôme était capable de jeter des sorts dévastateurs sur la ville et ses défenseurs. Cette désinformation visait à semer la peur et le doute parmi les habitants et les troupes françaises. L’époque était au mystique, au religieux. Après tout, si une jeune femme de 17 ans a reçu des visions divines de saints et d’anges, lui ordonnant de secourir le Dauphin Charles (futur roi Charles VII) et de libérer la France des Anglais, pourquoi il n’existerait pas de fantôme vengeur ? Jeanne d’Arc a joué un rôle clé dans la contre-guerre psychologique. Elle a rallié les troupes et les civils, les encourageant à ne pas céder à la peur et en affirmant que le fantôme d’Orléans n’était rien de plus qu’une supercherie.
3 étapes de déstabilisation, la cyber en bonus !
Netflix, vient de sortir en ce début décembre 2023, un film produit par la famille Obama, Barack et Michelle, via leur maison de production « Higher Ground Media« . Baptisé, « Le Monde après nous », la production est tirée du roman de Rumaan Alam. Je ne vous raconterai par l’histoire, je vous laisse le plaisir de découvrir le film. Voyons l’aspect guerre psychologique présentée dans cette œuvre cinématographique et les conséquences de cette guerre employant les nouvelles technologies qui nous entourent. Trois étapes que le film décrie à la perfection : l’isolement, le chaos synchronisé et la guerre civile.
Étape 1 : L’isolement
La première étape de la déstabilisation consiste à isoler la cible en coupant les communications, les transports et la fourniture en énergie. L’objectif est de rendre la population sourde, muette et aussi paralysée que possible, créant ainsi un climat de vulnérabilité. Cette phase prépare le terrain pour les étapes suivantes.
Exemple historique : Le blocus de Berlin (1948-1949)
L’un des exemples les plus célèbres de cette étape est le blocus de Berlin, au cours duquel l’Union soviétique a coupé l’accès terrestre à Berlin-Ouest en 1948. Cette action a isolé la ville et ses habitants, les privant de nourriture et de fournitures essentielles. Cette tactique a été utilisée pour faire pression sur les Alliés occidentaux et les forcer à quitter Berlin. Cependant, les Alliés ont organisé un pont aérien massif pour approvisionner la ville, contrecarrant ainsi la tentative d’isolement.
Exemple historique : La Révolution des Œillets au Portugal (1974)
La Révolution des Œillets, qui s’est déroulée au Portugal en 1974, est un cas remarquable de déstabilisation réussie suivie d’un changement de régime. Cette révolution a été caractérisée par trois étapes similaires à celles mentionnées précédemment. Avant la révolution, le Portugal était sous le régime autoritaire de Marcelo Caetano, qui avait succédé à António de Oliveira Salazar. Le régime maintenait un contrôle strict sur les médias, la liberté d’expression et les droits civils. L’opposition intérieure et la pression internationale ont contribué à isoler le régime portugais, le rendant de plus en plus vulnérable.
Étape 2 : Le chaos synchronisé
La deuxième étape consiste à semer le chaos en utilisant des attaques furtives, de la désinformation et en submergeant la capacité de défense de la cible. Les systèmes d’armes sont rendus vulnérables, ce qui favorise les extrémistes et peut même diviser la population. Si cette étape réussit, elle prépare le terrain pour la phase finale.
Au Portugal, le 25 avril 1974, un groupe de militaires progressistes, connu sous le nom du Mouvement des Forces Armées (MFA), a lancé un coup d’État pacifique. Ils ont pris le contrôle de la radio et diffusé le signal convenu, « E depois do adeus » (Et après les adieux), qui a servi de signal aux partisans du coup d’État. Ce coup d’État a été largement soutenu par la population, qui s’est mobilisée dans les rues pour soutenir les militaires et exiger la fin de la dictature.
Exemple historique : La révolution iranienne (1979)
La révolution iranienne est un exemple classique de cette étape. Les manifestants ont utilisé la désinformation et les médias pour mobiliser la population contre le régime du Shah. Les manifestations ont été suivies d’une série d’attaques et de désordres qui ont mis à mal les forces de sécurité et le gouvernement. Finalement, cela a conduit à un changement de régime et à l’instauration d’une république islamique en Iran.
Étape 3 : Le coup d’État, la guerre civile
La troisième étape implique généralement un coup d’État ou l’éclatement d’une guerre civile. Une fois que la cible est suffisamment affaiblie et que la population est divisée, il est plus facile pour les acteurs extérieurs ou les groupes rebelles de prendre le contrôle ou de déclencher un conflit majeur.
Exemple historique : La guerre civile syrienne (2011-présent)
La guerre civile en Syrie est un exemple moderne de cette étape. Après des années de désinformation, de manifestations et de violence, le pays a plongé dans une guerre civile dévastatrice. Plusieurs groupes rebelles et acteurs internationaux ont profité de la situation, et la Syrie est devenue le théâtre d’une lutte complexe pour le pouvoir.
Au Portugal, après la chute du régime de Caetano, le Portugal a rapidement évolué vers la démocratie. Un gouvernement provisoire a été formé, des élections ont été organisées, et le Portugal a progressivement établi un système démocratique stable. Cette transition pacifique a été un exemple remarquable de la manière dont une déstabilisation planifiée peut conduire à un changement de régime positif.
Les nouvelles technologies : l’art de la guerre 2.0
Les nouvelles technologies peuvent amplifier les risques associés aux trois étapes de déstabilisation d’un État, en introduisant de nouveaux vecteurs d’influence, de propagande et de manipulation.
Étape 1 : L’isolement
Risque : Contrôle des médias et de l’information
Les nouvelles technologies permettent aux gouvernements ou aux acteurs hostiles de contrôler les médias et de censurer l’information en ligne, créant ainsi un isolement numérique. En Chine, par exemple, le Grand Pare-feu bloque de nombreux sites web étrangers et limite l’accès à des informations non censurées.
Risque : Surveillance généralisée
Les avancées technologiques dans la surveillance, y compris la surveillance électronique et la reconnaissance faciale, peuvent être utilisées pour identifier et réprimer les opposants politiques. En Russie, les lois sur la surveillance et la répression des médias en ligne ont eu un impact sur la liberté d’expression.
Étape 2 : Le chaos synchronisé
Risque : Désinformation en ligne
Les réseaux sociaux et les plateformes en ligne sont souvent utilisés pour propager de la désinformation, influencer l’opinion publique et semer la confusion. Les campagnes de désinformation russes pendant les élections américaines de 2016 en sont un exemple. La désinformation peut amplifier le chaos synchronisé en manipulant les perceptions et les opinions.
Risque : Cyberattaques
Les cyberattaques visant les infrastructures critiques, telles que les réseaux électriques et les systèmes de transport, peuvent paralyser un État et accentuer le chaos synchronisé. L’Ukraine a été victime de plusieurs cyberattaques attribuées à la Russie, perturbant notamment son réseau électrique.
Étape 3 : Le coup d’État, la guerre civile
Risque : Cyber-guerre
Les nouvelles technologies peuvent être utilisées pour mener des opérations de cyber-guerre visant à perturber les communications, les systèmes de défense et même les infrastructures militaires. En 2007, l’Estonie a subi une série de cyberattaques massives, attribuées à la Russie, pour donner suite à des tensions politiques.
Risque : Radicalisation en ligne
Les médias sociaux et les plateformes en ligne sont des espaces où l’extrémisme peut se propager rapidement. Des groupes terroristes, tels que l’État islamique, ont utilisé Internet pour recruter des sympathisants et coordonner des attaques. Cette radicalisation en ligne peut alimenter les conflits internes.