Inquietude du jugement AlloStreaming

Le procès « Allostreaming » démarré en 2011 et opposant l’industrie audiovisuelle française à des prestataires techniques (fournisseurs d’accès à Internet et moteurs de recherche) vient d’aboutir après des mois de procédures au Tribunal de Grande Instance de Paris. Il est notamment ordonné, comme le rapporte le site d’information PC Inpact, le blocage de 16 sites de streaming par les FAI. La mention du « blocage » dans le jugement et l’obligation pour les FAIs d’empêcher l’accès aux sites « par tout moyen efficace » fait planer l’ombre de technologies intrusives de type Deep Packet Inspection, qui mettent gravement en danger la vie privée des Internautes. Ces dispositifs sont pour rappel utilisés notamment dans la traque des opposants au pouvoir en Chine, en Iran, ou encore en Tunisie avant la révolution.

« Ce blocage par décision judiciaire est une première en France et risque d’engendrer des dérives comme partout où du blocage a été appliqué », estime Yohan Aglaé du Parti Pirate. C’est un risque que nous ne pouvons pas prendre dans un État de droit ! Au Royaume-Uni, la lutte contre la pédopornographie a en effet dès 2008 mené par exemple au blocage du site Wikipedia. Plus récemment, en Argentine, le blocage d’une adresse IP a empêché l’accès à plus d’un million de sites pendant plusieurs heures.

Mais cette menace caractérisée par l’erreur humaine n’est rien en comparaison du danger que constituerait une censure automatisée, c’est à dire sans contrôle judiciaire. Aucun dispositif de la sorte n’est rendu obligatoire par le jugement, note l’association « La Quadrature Du Net » qui remarque également que nous empruntons une voie bien glissante.

Pour autant, il ne s’agit pas pour le Parti Pirate de faire l’apologie de services tels qu’ Allostreaming ou feu MegaUpload qui détournent à leur seul profit ce qui revient de droit aux artistes, comme nous ne faisons pas non plus celle des sociétés dites « d’ayants droit » (SACEM, SCPP, etc.) que la Cour des comptes critique sévèrement pour leur gestion.

Néanmoins, le succès commercial de ces services parfois payants montre bien que les internautes sont prêts à mettre la main à la poche pour accéder aux productions culturelles. Qu’en est-il de l’offre légale aujourd’hui en 2013 ? Comme le déplorent de nombreux internautes, notamment Klaire en juin dernier, les offres légales, non contentes d’avoir un catalogue extrêmement restreint, imposent bien souvent l’utilisation de logiciels voire matériels spécifiques ou ne sont tout simplement pas fonctionnelles.

« On me traite de Pirate, mais on ne me laisse pas le choix, déclare Cmal du Parti Pirate. Le jour où je pourrai télécharger légalement un film dans le format de mon choix, avec plusieurs langues ou au moins des sous-titres et sans menottes numériques, je sors la carte bleue ! ». Mais à ce jour, une telle offre n’est pour l’instant disponible qu’illégalement.

Le Parti Pirate répète que les solutions liberticides et d’arrière-garde encore aujourd’hui avancées par l’État ne contribuent en rien, ni à la meilleure diffusion des bien culturels, ni à celle de la Culture elle même. Cette décision, comme d’autres avant-elle (HADOPI…) promeut des intérêts privés qui ne sont, ni ceux des créatifs, ni ceux des internautes. Le Parti Pirate réitère donc son appel à la légalisation du partage non marchand entre citoyens et demande, loin du système oligopolistique actuel, l’équité d’accès commercial aux catalogues culturels. Le Parti Pirate rappelle également le succès explicite des « radio pirates », aujourd’hui appelées « radio libres » afin d’illustrer le manque remarquable de vision, comme l’étrange amnésie de l’État.

Le Parti Pirate regrette donc le caractère liberticide des présentes mesures, le glissement dangereux de pouvoirs régaliens en des mains privées sans contrôle judiciaire, comme cette nouvelle et regrettable menace d’introduction de méthodes de surveillance et censure automatisées au sein du net, sur l’ensemble du territoire français.

Pour la Culture aussi, le Parti Pirate imagine un tout autre monde et invite l’ensemble des media et des citoyens à (re)découvrir ses propositions !

Au sujet de l'auteur
Damien Bancal (damienbancal.fr) est un expert internationalement reconnu en cybersécurité. Il a fondé le projet Zataz en 1989. ZATAZ.com est devenu une référence incontournable en matière d'information sur la sécurité informatique et les cybermenaces pour le grand public. Avec plus de 30 ans d'expérience, Damien Bancal s'est imposé comme une figure majeure dans ce domaine, contribuant à la sensibilisation et à la protection des internautes contre les cyberattaques. Sa carrière est marquée par une forte implication dans l'éducation à la cybersécurité, notamment à travers des conférences et des publications spécialisées. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages (17) et articles (plusieurs centaines : 01net, Le Monde, France Info, Etc.) qui explorent les divers aspects du piratage informatique et de la protection des données. Il a remporté le prix spécial du livre du FIC/InCyber 2022. Finaliste 2023 du 1er CTF Social Engineering Nord Américain. Vainqueur du CTF Social Engineering 2024 du HackFest 2024 (Canada). Damien Bancal a également été largement reconnu par la presse internationale dont le New York Times, qui souligne non seulement son expertise mais aussi son parcours inspirant. Par exemple, un portrait de La Voix du Nord le décrit comme "Monsieur Cybersécurité", soulignant son influence et son rôle essentiel dans ce domaine. Enfin, il figure parmi les personnalités les plus influentes dans la cybersécurité, comme le souligne Le Big Data, et a été classé parmi les 500 personnalités tech les plus influentes en 2023 selon Tyto PR. Chroniqueur TV et Radio (France Info, M6, RTL, Medi1, Etc.) Volontaires de la réserve citoyenne - Gendarmerie Nationale et de l'Éducation Nationale. Médaillé de la DefNat (Marine Nationale) et de la MSV (Gendarmerie Nationale). Entrepreneur, il a lancé en 2022 la société veillezataz.com.

Articles connexes

Laisser un commentaire

*

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.