Menaces invisibles : quand le tourisme industriel devient une porte d’entrée pour l’espionnage économique

Loin d’être anodines, les visites d’entreprises offrent une opportunité d’intrusion pour des acteurs malveillants. La DGSI alerte sur ces risques d’ingérence économique et préconise des mesures strictes pour protéger les sites industriels et les laboratoires sensibles.

En France, le « tourisme industriel » connaît un essor considérable, attirant chaque année des millions de visiteurs curieux de découvrir les coulisses des entreprises et laboratoires. En France, les journées du Patrimoine [patrimoine industriel et écologique], un exemple parmi d’autres, se tiennent les 16 et 17 septembre prochains. Toutefois, la Direction Générale de la Sécurité Intérieur met en garde contre les risques d’espionnage et d’ingérence économique que ces visites peuvent favoriser. Des incidents récents, impliquant des étrangers en quête d’informations stratégiques, illustrent la vulnérabilité des infrastructures industrielles. La DGSI a eu du flair en sortant son 110 flash sur ce sujet. Aux USA, un « journaliste » de l’agence TASS a réussi à rejoindre le bureau ovale de la Maison Blanche avant que le « Service presse » et le Secret Service s’aperçoivent qu’il n’avait rien à faire là !

Le « tourisme industriel » : un atout économique mais un risque stratégique

Depuis plusieurs années, le tourisme industriel s’impose en France comme un vecteur de développement économique et culturel. En 2022, plus de 20 millions de visiteurs ont franchi les portes de 3 500 entreprises pour découvrir des métiers, des innovations et des savoir-faire uniques. Ce succès, en progression de 25 % en trois ans, concerne principalement les secteurs de l’agroalimentaire, de l’énergie, de l’artisanat et des cosmiques.

Toutefois, la DGSI alerte sur la face cachée de cette dynamique. En facilitant l’accès à des infrastructures sensibles, ces visites peuvent devenir des portes d’entrée pour des actes d’espionnage économique ou de sabotage. Plusieurs incidents récents illustrent ces menaces grandissantes.

« Le tourisme industriel en France a connu une augmentation de 25 % en trois ans, attirant plus de 20 millions de visiteurs en 2022. »

Exemples d’incidents : des comportements suspects en pleine lumière

Un étudiant trop curieux

Un étudiant étranger, ayant effectué un cursus scientifique en France, a visité de nombreux sites industriels de pointe. Lors d’une de ces visites, il a réalisé plus de cinquante prises de vues interdites, tout en tentant d’accéder à des zones restreintes. Alertés par son insistance, les services de sécurité ont fini par rejeter toutes ses futures demandes d’accès.

Intrusion dans une base industrielle stratégique

Un individu a tenté de s’introduire dans une infrastructure sensible avec un badge falsifié et des cartes magnétiques volées. Lors de son interrogatoire, il a avoué avoir repéré les systèmes de sécurité au cours de précédentes visites guidées. Cet épisode a conduit à un renforcement immédiat des mesures de contrôle, avec une séparation plus stricte des flux entre visiteurs et employés. Technique employée [avec autorisation] lors de ma victoire au CTF Social Engineering organisé en Amérique du Nord en 2024.

Un atelier public dans un laboratoire protégé

Un laboratoire scientifique a organisé un atelier ludique dans une Zone à Régime Restrictif (ZRR), un espace ultra-sécurisé. Bien que l’objectif était de promouvoir les sciences et de recruter de nouveaux talents, les autorités ont imposé des mesures strictes : relevé des identités, interdiction des téléphones portables et surveillance permanente. Aucun incident n’a été signalé, mais l’événement a mis en lumière la nécessité de redoubler de vigilance.

« Un individu se présentant comme journaliste a tenté d’accéder à des documents confidentiels sous couvert d’un reportage industriel. »

Un faux investisseur infiltré

Un homme se présentant comme un investisseur étranger a participé à plusieurs visites privées d’une entreprise technologique spécialisée. Posant des questions très précises [social engineering] sur les procédés de fabrication et la chaîne d’approvisionnement, il a éveillé les soupçons des responsables. Après vérifications, il s’est avéré que cette personne travaillait en réalité pour une société concurrente basée à l’étranger.

Un faux journaliste en quête d’informations sensibles

Un individu s’identifiant comme journaliste a obtenu un accès privilégié à une entreprise lors d’un salon industriel. Sous prétexte de réaliser un reportage, il a tenté de collecter des informations stratégiques sur les innovations en cours. Son comportement insistant et ses demandes de documents internes ont conduit à une intervention des services de sécurité, révélant qu’il n’appartenait à aucun média reconnu.

Comment se prémunir contre l’espionnage industriel ?

La DGSI insiste sur la nécessité d’un encadrement strict des visites d’entreprises. Avant toute ouverture au public, les entreprises doivent obtenir l’autorisation des autorités pour les zones réglementées et définir précisément les parcours de visite en excluant toute zone sensible. Un espace d’accueil doit être mis en place pour filtrer les visiteurs, dont l’identité doit être transmise plusieurs jours à l’avance.

Pendant la visite, une surveillance constante est requise. L’accès aux dispositifs informatiques doit être limité, et toute prise de photos ou d’enregistrements doit être strictement interdite. Le personnel doit être informé des présences extérieures et formé à détecter les comportements suspects. Aucun visiteur ne doit pouvoir s’éloigner du groupe sans être accompagné.

En cas d’incident, il est crucial de recueillir des preuves, d’alerter les autorités et de déposer plainte. La DGSI recommande également de signaler les incidents afin d’informer d’autres structures potentiellement ciblées. Document à lire sur le site du Ministère de l’Intérieur, espace DGSI.

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Au sujet de l'auteur
Damien Bancal (damienbancal.fr) est un expert internationalement reconnu en cybersécurité. Il a fondé le projet Zataz en 1989. ZATAZ.com est devenu une référence incontournable en matière d'information sur la sécurité informatique et les cybermenaces pour le grand public. Avec plus de 30 ans d'expérience, Damien Bancal s'est imposé comme une figure majeure dans ce domaine, contribuant à la sensibilisation et à la protection des internautes contre les cyberattaques. Sa carrière est marquée par une forte implication dans l'éducation à la cybersécurité, notamment à travers des conférences et des publications spécialisées. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages (17) et articles (plusieurs centaines : 01net, Le Monde, France Info, Etc.) qui explorent les divers aspects du piratage informatique et de la protection des données. Il a remporté le prix spécial du livre du FIC/InCyber 2022. Finaliste 2023 du 1er CTF Social Engineering Nord Américain. Vainqueur du CTF Social Engineering 2024 du HackFest 2024 (Canada). Damien Bancal a également été largement reconnu par la presse internationale dont le New York Times, qui souligne non seulement son expertise mais aussi son parcours inspirant. Par exemple, un portrait de La Voix du Nord le décrit comme "Monsieur Cybersécurité", soulignant son influence et son rôle essentiel dans ce domaine. Enfin, il figure parmi les personnalités les plus influentes dans la cybersécurité, comme le souligne Le Big Data, et a été classé parmi les 500 personnalités tech les plus influentes en 2023 selon Tyto PR. Chroniqueur TV et Radio (France Info, M6, RTL, Medi1, Etc.) Volontaires de la réserve citoyenne - Gendarmerie Nationale et de l'Éducation Nationale. Médaillé de la DefNat (Marine Nationale) et de la MSV (Gendarmerie Nationale). Entrepreneur, il a lancé en 2022 la société veillezataz.com.

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