Netflix en a marre du partage de comptes

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Certains consommateurs de Netflix partagent leur compte d’accès. Une grande majorité le fait contre de l’argent, ou sans même le savoir ! Netflix dit stop, mais propose des solutions ! Une guerre qui va impacter, aussi, le hacker malveillant. ZATAZ vous explique cet « art de la guerre 2.0 » à la sauce Major !

En lisant certains forums et réseaux sociaux, je suis tombé sur des internautes mécontents. Ils s’offusquent de l’annonce de Netflix ce 23 mars : « À partir d’aujourd’hui, nos abonnés en France qui partagent leur compte Netflix en dehors de leur foyer recevront l’e-mail ci-dessous. » Le courriel explique que le partage de compte sera dorénavant facturé.

Alors que ce partage n’était pas autorisé en dehors du cadre familial, Netflix a laissé cette situation échapper à son contrôle marketing. Permettre le partage de comptes ouvrait la perspective de trouver de nouveaux utilisateurs, de nouveaux clients. Cependant, avec 100 millions de comptes partagés, Netflix voit une rentrée d’argent qui se retrouve dans des poches qui n’ont rien à voir avec la création d’œuvres cinématographiques.

Selon Macquarie Research, il s’agit d’une somme allant de 1 à 3 milliards de dollars à l’échelle mondiale. Une somme qui pourrait être investie dans la production de séries comme Stranger Things, Luther, The Mother, The Witcher, Lupin, etc.

Partage de compte : le business parallèle

Le partage de compte est un nouveau business que Netflix ne maîtrise pas. Sur internet, depuis plusieurs années, il est possible de trouver des entreprises de partage de compte. Sharesub, Spliiit, Diivii, etc., gagnent de l’argent en permettant aux utilisateurs de Netflix, mais aussi de Paramount+, Disney+, etc., de mettre en location leurs comptes inutilisés.

Le résultat est que les propriétaires des comptes reçoivent quelques euros de « locataires » qui ne souhaitent pas payer le montant demandé par les majors, les opérateurs légitimes. Ainsi, un compte premium Netflix, qui coûte normalement 17,99 €, rapporte à Gwendoline de Besançon aux alentours de 5€ « pour deux comptes loués », la plateforme de locations reçoivent leur dîme pouvant atteindre 50 % du tarif demandé par le loueur.

Pour Gwendoline, sa location est proposée à 5 € par compte.

Une boutique de location de comptes pour sites de streaming : Netflix, Paramount+, Disney+, etc. repérée par ZATAZ.

Une entreprise de location affiche : « Avec 3 personnes sur l’offre Premium, vous serez donc 4 sans risque d’être dérangés, et vous économiserez 143,91 € par an. » Une somme d’argent que ne verra jamais les productions de Netflix.

Je ne mentionne pas les aspects de « cybersécurité« . Le partage d’un compte avec des inconnus peut leur permettre de vous connaître plus intimement. Il est d’ailleurs « amusant » de lire certains avertissements sur des boutiques spécialisées. Mon préféré reste celui-ci : « Partagez votre compte avec des personnes de confiance et dans un cadre sécurisé.« 

Lutter contre le piratage, autrement !

Certains autres « fraudeurs » sont encore plus sournois, et Netflix souhaite les éliminer de l’équation : les pirates de comptes. Sur la chaîne Youtube de ZATAZ, j’ai montré des ventes de comptes Netflix, Amazon Prime, Disney+ orchestrées par des pirates informatiques.

Après avoir obtenu les données des utilisateurs par phishing (hameçonnage), l’infiltration d’ordinateurs ou le piratage de sites web dont les identifiants de connexion des utilisateurs étaient identiques à ceux utilisés sur des plateformes de streaming, les cybercriminels les revendent pour quelques euros ou dollars.

Exemple de vente de compte MyCanal par un pirate découvert par ZATAZ.

Les acheteurs, également appelés « blacknautes », exploitent ainsi des données volées sans autorisation et payent ces groupes de pirates. Du recel ! Au cours de mes investigations avec ZATAZ et le Service Veille ZATAZ (nous sommes capables, entre autre, de vous dire si vos identifiants ont été piratés et exploités par des pirates), j’ai rencontré plusieurs centaines de ventes de comptes, autant de vendeurs. L’un d’eux, Prises Éclairs, un véritable pseudonyme d’un de ces corsaires croisés dans l’océan numérique, affiche 1 110 ventes de comptes Netflix, ce qui représente un chiffre d’affaires de 6 000 € pour des comptes basiques Netflix renouvelables chaque mois, et 18 000 € pour la version d’abonnement d’un an ! Soit 24 000€, rien que pour Netflix. Il commercialise plus de 40 autres « produits » !

Bref, on comprend mieux pourquoi Netflix vient de tirer la sonnette d’alarme. La quantification de ce phénomène est difficile, mais il se propage à une vitesse fulgurante. Comme le rappelait Le Monde en 2019, en plus des pratiques illégales courantes telles que le streaming à la wawacity, le téléchargement et le partage de fichiers à la warez, une étude réalisée en avril 2018 par la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) estimait que 29 % des consommateurs enfreignant les règles en matière de musique, de films ou de séries télévisées utilisaient mensuellement les identifiants d’abonnement à une offre légale souscrite par un proche. De plus, 35 % des 15-24 ans partageaient, à l’époque, les frais d’un abonnement.

Malin, Netflix a proposé des tarifs pour partager son compte avec des amis ou des inconnus, des tarifs inférieurs à ceux proposés par les pirates ou les boutiques de location. Cependant, cette décision de facturer le partage de compte a suscité des réactions mitigées parmi les utilisateurs de Netflix. Certains comprennent la nécessité pour Netflix de protéger ses revenus et de soutenir la production de contenus de qualité, tandis que d’autres se sentent lésés par cette nouvelle politique tarifaire.

Comment ça marche ?

Netflix n’est pas très prolixe sur ça méthode de suivi. IP, identification numérique de la machine (code MAC, IME, etc), géolocalisation. Autant de données tombant sous le coup du RGPD en Europe. Pour détecter le partage de compte, la société se basera sur les trois paramètres déjà connus. Tout comme Disney+, Netflix va faire usage de Primetime Account IQ, un produit développé par Adobe. Cet outil d’intelligence artificielle a pour objectif de collecter des données afin de mieux comprendre le comportement des utilisateurs de la plateforme. L’outil est en mesure de détecter lorsque le partage de compte a lieu en se basant sur le nombre d’appareils utilisés ; le nombre d’utilisateurs actifs et les informations géographiques.

Autre méthode, la technique de la double authentification. Le détenteur du compte Netflix reçoit un message contenant un lien. L’url dirige vers un code qui doit être renvoyé à Netflix dans les 10/15 minutes aprés sa communication. Une procédure de vérification simple, mais contraignante pour le partage. Le « locataire » doit être devant le téléphone ou la boîte mail recevant cette double authentification pour l’activer.

Il est indéniable que le phénomène du partage de compte constitue un défi pour Netflix et d’autres plateformes de streaming. Ils doivent trouver un équilibre entre la promotion de leurs services, la protection de leurs intérêts financiers, le contrôle des données personnelles. Tout en cherchant à attirer de nouveaux abonnés. Une nouvelle méthode pour s’assurer que le modèle économique reste viable et soutienne la création de nouvelles œuvres. L’avenir nous dira si cela à fonctionner, avec la participation active et honnête des utilisateurs !

Au sujet de l'auteur
Damien Bancal (damienbancal.fr) est un expert internationalement reconnu en cybersécurité. Il a fondé le projet Zataz en 1989. ZATAZ.com est devenu une référence incontournable en matière d'information sur la sécurité informatique et les cybermenaces pour le grand public. Avec plus de 30 ans d'expérience, Damien Bancal s'est imposé comme une figure majeure dans ce domaine, contribuant à la sensibilisation et à la protection des internautes contre les cyberattaques. Sa carrière est marquée par une forte implication dans l'éducation à la cybersécurité, notamment à travers des conférences et des publications spécialisées. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages (17) et articles (plusieurs centaines : 01net, Le Monde, France Info, Etc.) qui explorent les divers aspects du piratage informatique et de la protection des données. Il a remporté le prix spécial du livre du FIC/InCyber 2022. Finaliste 2023 du 1er CTF Social Engineering Nord Américain. Vainqueur du CTF Social Engineering 2024 du HackFest 2024 (Canada). Damien Bancal a également été largement reconnu par la presse internationale dont le New York Times, qui souligne non seulement son expertise mais aussi son parcours inspirant. Par exemple, un portrait de La Voix du Nord le décrit comme "Monsieur Cybersécurité", soulignant son influence et son rôle essentiel dans ce domaine. Enfin, il figure parmi les personnalités les plus influentes dans la cybersécurité, comme le souligne Le Big Data, et a été classé parmi les 500 personnalités tech les plus influentes en 2023 selon Tyto PR. Chroniqueur TV et Radio (France Info, M6, RTL, Medi1, Etc.) Volontaires de la réserve citoyenne - Gendarmerie Nationale et de l'Éducation Nationale. Médaillé de la DefNat (Marine Nationale) et de la MSV (Gendarmerie Nationale). Entrepreneur, il a lancé en 2022 la société veillezataz.com.

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