Pavel Durov mis en examen par les autorités françaises pour 12 délits présumés liés à Telegram

Pavel Durov, le fondateur et dirigeant de la célèbre application de messagerie Telegram, fait face à de graves accusations portées par les autorités françaises. Ce 28 août 2024, il a été officiellement mis en examen pour une série de délits liés à l’utilisation de sa plateforme dans des activités criminelles organisées.

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Les charges retenues contre Pavel Durov sont nombreuses et lourdes de conséquences. Elles comprennent notamment la complicité dans l’administration d’une plateforme en ligne permettant des transactions illicites en bande organisée, une infraction pouvant entraîner jusqu’à 10 ans d’emprisonnement et une amende de 500 000 €. Durov est également accusé de refus de coopération avec les autorités, en ne fournissant pas les informations ou documents nécessaires aux enquêtes légales et interceptions autorisées par la loi.

Parmi les autres accusations figurent la complicité dans la diffusion de données visant à porter atteinte aux systèmes automatisés de traitement de données, la distribution organisée d’images pédopornographiques, ainsi que des actes de blanchiment d’argent et de trafic de stupéfiants. De plus, Durov est soupçonné d’avoir fourni des services de cryptographie sans déclaration conforme, ce qui pourrait avoir permis à des criminels d’échapper à la surveillance des autorités. Plusieurs spécialistes se sont étonnés de cette dernière ligne. Antoine Champagne, dans Reflets, s’amuse des rumeurs se demandant même si Elon Musk ou encore Mark Zuckerberg ne risquaient pas de finir devant la justice Française, avec X et Facebook ?

Durov a été placé sous contrôle judiciaire, avec des mesures strictes imposées par les autorités françaises. Il est tenu de verser une caution de 5 millions d’euros, de se présenter deux fois par semaine au commissariat et lui est interdit de quitter le territoire français.

Telegram au cœur des controverses

Telegram, lancé en 2013, est régulièrement cité dans des affaires judiciaires impliquant diverses infractions telles que la pédocriminalité, le trafic de drogue et la propagation de discours de haine en ligne. La quasi-absence de réponse de Telegram aux réquisitions judiciaires a conduit la Juridiction Nationale de Lutte contre la Criminalité Organisée (JUNALCO) à ouvrir une enquête. Cette enquête, conduite en collaboration avec l’Office National des Mineurs (OFMIN) et des partenaires européens, vise à déterminer la responsabilité pénale des dirigeants de Telegram dans la commission de ces infractions.

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Enquête en cours

L’enquête préliminaire avait débuté en février 2024 sous la direction du parquet de Paris. Le 8 juillet 2024, une information judiciaire a été ouverte, et l’affaire a été confiée à l’unité cyber de la Gendarmerie Nationale (C3N) et à l’Office National Anti-Fraudes des douanes (ONAF). Ces entités sont désormais chargées de poursuivre les investigations, qui pourraient déboucher sur des conséquences juridiques significatives pour Pavel Durov et Telegram. Déjà, en 2015, Telegram était pointé du doigt comme étant un allié involontaire des extrémistes de tout genre.

Pendant ce temps, sur Telegram

Alors qu’on a pu lire, ici et là, des soi-disant cyberattaques de soutien à Durov par de pseudo-prorusses, le plus inquiétant réside plutôt dans la manipulation de certaines populations (de jeunes internautes, par exemple) pour la recherche et la diffusion de fake news et autres failles. ZATAZ a remarqué plusieurs fausses vidéos et photos truquées montrant la prison de Durov [ci-dessus]. Sans parler des « failles » visant des institutions françaises, lâchées en pâture par des inconnus pour « manifester ».

Rien de bien méchant. Ils n’ont pas eu la force de frappe nécessaire pour perturber les Jeux Olympiques, ils l’auront encore moins pour jouer aux cyber-manifestants prônant la liberté d’expression.

En revanche, certains voient d’un très mauvais œil la baisse de la cryptomonnaie de Telegram, TON (The Open Network). Et là, toucher à un porte-monnaie qui, depuis le conflit russo-ukrainien, perd de sa vigueur, cela ravive les rancœurs. La cryptomonnaie associée à Telegram s’appelle Toncoin (TON). « TON » signifie « The Open Network ». Initialement, le projet s’appelait Gram, mais après des complications juridiques avec la SEC (Securities and Exchange Commission) aux États-Unis, le projet a évolué pour devenir « TON » sous la gestion de la communauté et d’une fondation dédiée qui a lancé une pétition pour libérer Durov.

Telegram, vraiment si pourri que ça ?

Non, bien entendu. Je suis utilisateur, comme des millions de personnes, sans pour autant être un criminel. Cependant, ne nous voilons pas la face. Le réseau social messagerie (ou le contraire) est devenu au fil du temps un sacré repère de malveillants. Parmi les reproches faites par la justice française, peut-être des affaires liées au forum COCO et aux agressions homophobes filmées et diffusées sur Telegram. Je vous en parlais, il y a peu. Peut-être aussi des affaires liées au groupe pirate Epsilon, stoppé par les autorités policières françaises, en juin dernier. Il se vantait sur Telegram et diffusaient les données qu’ils avaient pu voler.

Durov s’était plaint des agissements du FBI, en avril dernier. Des approches plus ou moins fines, jusqu’à tenter d’embaucher un ingénieur de Telegram pour implanter une porte cachée dans l’outil ! Autant dire qu’il va être intéressant de l’entendre parler de la France.

Telegram qui n’en reste pas moins un logiciel, avec ses failles et ses bots « sniffeurs » comme j’ai pu vous en montrer ici et . Et qui semble avoir déjà aidé les autorités, comme au Pays-Bas, en 2022. En février 2023, ZATAZ vous expliquait que Telegram était en discussion avec les autorités allemandes.

Même l’Europe montre les dents

La Commission européenne enquête pour vérifier si Telegram compte effectivement 41 millions d’utilisateurs mensuels dans l’Union européenne (UE), comme le prétend la plateforme. Ce nombre est crucial car, s’il est dépassé, Telegram serait soumis aux règles plus strictes du Digital Service Act (DSA) et à une supervision directe par la Commission. Actuellement, Telegram échappe à cette supervision, mais la Commission mène sa propre analyse pour s’assurer que ce chiffre est exact.

Les grandes plateformes comme X (anciennement Twitter) et TikTok risquent des poursuites pénales directes de la part de la Commission si elles ne respectent pas le DSA, tandis que les plus petites plateformes sont supervisées par les autorités nationales. L’analyse du nombre d’utilisateurs de Telegram est compliquée par la nature des messages échangés sur la plateforme, qui sont souvent anonymes et chiffrées.

Le Digital Services Act (DSA) est une législation de l’Union européenne qui vise à réguler les services numériques et à créer un cadre plus sûr et transparent pour les utilisateurs en ligne. Adoptée en 2022, cette législation fait partie d’un ensemble plus large de règles, dont le Digital Markets Act (DMA), qui visent à moderniser les règles du marché numérique en Europe. Le DSA s’applique à une large gamme de services en ligne, notamment les plateformes de médias sociaux dont Telegram, les places de marché en ligne, les moteurs de recherche, les fournisseurs de services d’hébergement, Etc. ZATAZ vous a fait un petit récapitulatif des principaux objectifs du DSA :

  1. Protection des utilisateurs : Le DSA impose des obligations strictes pour lutter contre les contenus illégaux en ligne, tels que la haine, la désinformation, et les produits contrefaits. Les plateformes doivent mettre en place des mécanismes pour signaler, retirer et empêcher la réapparition de ces contenus.
  2. Transparence : Les plateformes doivent être transparentes sur leur fonctionnement, notamment en ce qui concerne les algorithmes utilisés pour recommander des contenus et les publicités ciblées. Elles doivent également publier des rapports réguliers sur la modération de contenu.
  3. Responsabilité des plateformes : Les grandes plateformes, celles avec plus de 45 millions d’utilisateurs dans l’UE, sont soumises à des obligations supplémentaires, comme l’évaluation des risques systémiques et la collaboration avec les autorités européennes pour garantir le respect des règles.
  4. Surveillance et sanctions : La Commission européenne a le pouvoir de superviser directement les grandes plateformes et d’imposer des sanctions sévères en cas de non-respect du DSA, pouvant aller jusqu’à 6 % du chiffre d’affaires mondial de l’entreprise concernée.
Au sujet de l'auteur
Damien Bancal (damienbancal.fr) est un expert internationalement reconnu en cybersécurité. Il a fondé le projet Zataz en 1989. ZATAZ.com est devenu une référence incontournable en matière d'information sur la sécurité informatique et les cybermenaces pour le grand public. Avec plus de 30 ans d'expérience, Damien Bancal s'est imposé comme une figure majeure dans ce domaine, contribuant à la sensibilisation et à la protection des internautes contre les cyberattaques. Sa carrière est marquée par une forte implication dans l'éducation à la cybersécurité, notamment à travers des conférences et des publications spécialisées. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages (17) et articles (plusieurs centaines : 01net, Le Monde, France Info, Etc.) qui explorent les divers aspects du piratage informatique et de la protection des données. Il a remporté le prix spécial du livre du FIC/InCyber 2022. Finaliste 2023 du 1er CTF Social Engineering Nord Américain. Vainqueur du CTF Social Engineering 2024 du HackFest 2024 (Canada). Damien Bancal a également été largement reconnu par la presse internationale dont le New York Times, qui souligne non seulement son expertise mais aussi son parcours inspirant. Par exemple, un portrait de La Voix du Nord le décrit comme "Monsieur Cybersécurité", soulignant son influence et son rôle essentiel dans ce domaine. Enfin, il figure parmi les personnalités les plus influentes dans la cybersécurité, comme le souligne Le Big Data, et a été classé parmi les 500 personnalités tech les plus influentes en 2023 selon Tyto PR. Chroniqueur TV et Radio (France Info, M6, RTL, Medi1, Etc.) Volontaires de la réserve citoyenne - Gendarmerie Nationale et de l'Éducation Nationale. Médaillé de la DefNat (Marine Nationale) et de la MSV (Gendarmerie Nationale). Entrepreneur, il a lancé en 2022 la société veillezataz.com.

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