Russie : le Google Map local obligé de de restreindre l’accès aux cartes d’une raffinerie stratégique
Un tribunal russe a ordonné à Yandex, le géant technologique national, de bloquer l’accès aux cartes et images d’une raffinerie de pétrole stratégique.
La question de la protection des infrastructures stratégiques en temps de guerre prend une dimension numérique en Russie. Selon l’agence de presse TASS, un tribunal russe a exigé que Yandex supprime ou floute les informations relatives à l’une des plus grandes raffineries de pétrole du pays. Cette démarche marque une première judiciaire en Russie concernant le retrait de contenus sensibles liés à des infrastructures de défense. Bien que la raffinerie concernée ne soit pas explicitement nommée, des sources indépendantes ont indiqué qu’il pourrait s’agir de l’installation contrôlée par Rosneft à Ryazan.
Rosneft, impliquée dans la logistique militaire russe, a été la cible de plusieurs attaques ukrainiennes ces derniers mois, causant des dégâts matériels et des blessés parmi les employés.
Un enjeu de sécurité nationale : la restriction des images
L’affaire judiciaire
L’affaire a été initiée par une agence réglementaire non identifiée, selon TASS. Cette dernière a mené une enquête révélant que des informations détaillées sur les installations de la raffinerie étaient disponibles publiquement via les services de cartographie de Yandex. Après l’échec des négociations directes avec l’entreprise, l’agence a demandé une intervention judiciaire.
Le tribunal a ordonné à Yandex de retirer ou de flouter les images des zones critiques, notamment les ateliers, les stations de compresseurs et les zones de stockage de réservoirs. Il a justifié cette décision en affirmant que la publication de ces images compromet la capacité de défense nationale et ralentit la livraison de matériaux destinés aux opérations militaires.
C’est la première fois qu’un tribunal russe impose une telle mesure à un acteur technologique national. Cette décision reflète l’évolution des stratégies de protection des infrastructures critiques, dans un contexte où les conflits modernes intègrent de plus en plus de dimensions numériques. Outre l’obligation de supprimer les images, Yandex a également été condamnée à payer une amende à l’État, bien que le montant n’ait pas été précisé.
Un conflit numérique : la guerre des cartes
Les précédents internationaux
Ce cas met en évidence un problème mondial : la divulgation publique d’images satellitaires ou de cartes précises pouvant être exploitées à des fins militaires. En novembre, l’Ukraine avait accusé Google d’avoir exposé la localisation de ses sites militaires sur son service de cartographie. Bien que Google ait affirmé que les images provenaient de sources publiques et étaient vieilles de plus d’un an, cette affaire avait soulevé des inquiétudes sur la transparence et la sécurité des données accessibles publiquement.
Un exemple similaire a été rapporté en 2020, lorsque des images sur Google Earth avaient révélé des bases militaires secrètes en Inde, exposant les emplacements des infrastructures sensibles aux ennemis potentiels. En 2021, des chercheurs en cybersécurité avaient également signalé que Google Maps fournissait des vues très détaillées de certaines bases aériennes aux États-Unis, y compris celles où étaient entreposés des armes stratégiques.
En décembre 2022, des activistes chinois ont accusé Google d’avoir laissé accessible des informations stratégiques sur leurs infrastructures de transports énergétiques dans la province du Xinjiang.
La responsabilité des acteurs technologiques
Les plateformes comme Yandex, Google ou Bing jouent un rôle crucial dans la diffusion d’informations géographiques. Cependant, leur responsabilité dans la protection des données sensibles reste un sujet délicat. Alors que les entreprises déclarent souvent que leurs données proviennent de sources publiques, les autorités nationales considèrent que la diffusion de ces informations compromet leur sécurité.
En Russie, cette responsabilité est accentuée par le contexte de la guerre en Ukraine, où les infrastructures civiles et militaires sont devenues des cibles stratégiques. Les autorités cherchent donc à contrôler strictement l’accès à ces informations.
Cet incident souligne l’importance croissante de la cybersécurité et de la gestion des données dans la protection des infrastructures critiques. Alors que les technologies numériques offrent des avantages significatifs, elles créent également de nouvelles vulnérabilités. La suppression des images ou des cartes d’installations stratégiques est une mesure corrective, mais elle ne résout pas le problème sous-jacent de la circulation non contrôlée des informations.
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